Et je cousais, je cousais…
- Quand il est entré dans mon logis clos,
- J’ourlais un drap lourd près de la fenêtre,
- L’hiver dans les doigts, l’ombre sur le dos…
- Sais-je depuis quand j’étais là sans être ?
- Et je cousais, je cousais, je cousais…
- -Mon cœur, qu’est-ce que tu faisais ?
- Il m’a demandé des outils à nous.
- Mes pieds ont couru, si vifs, dans la salle,
- Qu’ils semblaient, -si gais, si légers, si doux,-
- Deux petits oiseaux caressant la dalle
- De-ci, de-là, j’allais, j’allais, j’allais…
- -mon cœur, qu’est-ce que tu voulais ?
- Il m’a demandé du beurre, du pain,
- -ma main en l’ouvrant caressait la huche-
- Du cidre nouveau, j’allais et ma main
- Caressait les bols, la table, la cruche.
- Deux fois, dix fois, vingt fois je les touchais…
- -Mon cœur, qu’est-ce que tu cherchais ?
- Il m’a fait sur tout trente-six pourquoi.
- J’ai parlé de tout, des poules, des chèvres,
- Du froid, du chaud, des gens, et ma voix
- En sortant de moi caressait mes lèvres…
- Et je causais, je causais, je causais…
- -Mon cœur, qu’est-ce que tu disais ?
- Quand il est parti, pour finir l’ourlet
- Que j’avais laissé, je me suis assise…
- L’aiguille chantait, l’aiguille volait,
- Mes doigts caressaient notre toile bise…
- Et je cousais, je cousais, je cousais…
- -mon cœur, qu’est-ce que tu faisais ?
Marie Noël
La dentellière
Petits bonhommes fluets
corsetés de blanche soie
les fuseaux dansent en joie
quadrilles et menuets.- Plate-bande minuscule
entre un double retord bleu
la dentelle, peu à peu,
pousse dru et s’accumule
Fleur de verre aux rangs pressés
les épingles vertes, roses
se dressent en fières poses
sur les fils entrecroisés
La brodeuse
- Elle a brodé patiemment
- Les silences de sa vie
- Points après points sur les toiles
- Aux couleurs de ses pensées.
- Elle a signé tous ses rêves :
- Torchons, mouchoirs et serviettes,
- Nappes, draps et couvre-lits…
- Aujourd’hui dans les armoires,
- Vivent ses mots, ses sourires.
- Jours Venise et points d’épine
- Feston, broderie anglaise
- Tant de points qui qui s’entremêlent
- Et m’ont fait beaucoup rêver…
- Merci à toi
- Pour tes cotons de couleurs
- Qui coloriaient chaque jour
- Avec de fines aiguilles
- Tes rares temps de vacance…
Marie Minoza