Quelque 80 personnes se sont retrouvées, samedi dernier, au moulin de Chitré dominant de toute son histoire les eaux de la Vienne bouillonnant à ses pieds. C’était vraiment le lieu idéal pour partager la passion de notre conférencier Yves Texier pour le Pinail…
Yves Texier, ancien principal de collège et maire honoraire de Vouneuil-sur-Vienne, habite au pied du Pinail ; c’est son fief et également celui de Pascal Dubec, conservateur du site, à la tête de l’association qui gère ce lieu unique en France, le GÉRÉPI (GEstion de la RÉserve du PInail)
Yves qui a publié un livre à propos de la «Bataille de Poitiers», celle de 732, comme chacun sait, présente une autre bataille qui s’est livrée sur le Pinail pendant près de 1 000 ans. Mais avant, il faut dire combien on est frappé par l’intérêt qu’il porte à cette lande désertique, parsemée de trous d’eau où poussent la brande, quelques arbres et arbustes et où grouille une foule d’insectes et d’amphibiens rares. Il dit être séduit, à chaque promenade par le lieu, la beauté des matins de givre, par les brouillards, les couchers de soleil ou simplement par les ajoncs et les bruyères en fleur… Un lieu pour se ressourcer, assure-t-il.
Mais cette vaste lande n’a pas toujours été un havre de paix… À l’origine trois communes : Vouneuil, Bonneuil et Saint-Cyr s’y partagent des droits d’usage. Sur ces communaux, on vient couper la brande, ramasser les glands, le bois, y faire paître ses moutons et on peut aussi y chasser et pêcher… Mais au fil du temps des convoitises déclenchent des conflits qui vont durer presque jusqu’à nos jours. Les communes et les habitants concernés se défendent et veulent préserver leurs droits et avantages, bien maigres pourtant, mais pour eux, souvent une question de survie. Les grands s’en mêlent… Le Roi avec sa forêt, les seigneurs des alentours… plus tard des bourgeois de Châtellerault et d’ailleurs… tout le monde veut sa part de Pinail… Malheureusement, c’est ce que nous appellerions aujourd’hui « la rentabilité » qui les guide, ce qui ne convient pas à tout le monde. S’en suivent donc de permanents procès et toutes sortes d’actions judiciaires qui vont «empoisonner» la vie des communes, aller jusqu’à des menaces de mort ou à des incendies criminels.
Mais le sous-sol du Pinail, aussi, fait des envieux : on en extrait la pierre meulière, cette pierre recherchée pour moudre le grain, la meilleure. On en fait des meules pour les moulins ; le pain est important et souvent principale ressource alimentaire. Cette exploitation est également à l’origine de rivalités. Extraite par des meuliers dans des conditions épouvantables, la pierre est exportée par voie d’eau. Historiquement, le Pinail est considéré comme la plus grande carrière de meulière au monde.
Oui, des années de luttes se sont succédées depuis le Moyen Âge pour tenter de conserver ces fameux droits que des intérêts, particuliers ou publics, s’acharnaient à vouloir enlever aux communes et à leurs habitants. Peu à peu les temps ont changé et les esprits se sont apaisés.
Aujourd’hui, le calme est revenu sur le site. Le GÉRÉPI réunit tous les acteurs concernés et le Pinail est devenu depuis 1988, Espace Naturel Protégé. On pense y accueillir des touristes, mais dans les limites du respect de la nature.
Yves Texier termine en insistant justement sur le respect que l’on doit porter à ce territoire façonné par les hommes et qui mérite un hommage particulier.
Des photos projetées sur grand écran tout au long de la conférence, nous ont transportés dans cet univers exceptionnel qui va tenter, sans aucun doute, bon nombre de visiteurs.
Jacqueline Gagnaire